Les sujets de composition latine du baccalauréat ès lettres (1853-1880)
Historique de la composition latine au baccalauréat de janvier 1853 à décembre 1880
Le baccalauréat ès lettres est à l’origine (1809) un examen oral que les candidats passent après la classe de philosophie. Victor Cousin introduit en 1840 une première épreuve écrite (une version latine), donne à l’examen la forme collective qu’il a conservée depuis lors, organise le système des sessions, et fixe à trois le nombre de ces sessions : mars-avril, juillet-août et octobre-novembre. L’arrêté du 5 septembre 1852 ajoute à la version latine une épreuve de composition. Les candidats sont tenus à partir de janvier 1853 de rédiger «une composition latine ou une composition française(1) suivant que le sort en décidera», le tirage au sort ayant lieu pour chaque sujet dans les centres d’examen. L’arrêté du 3 août 1857, qui prend effet en décembre 1857, supprime la composition française et rebaptise «discours latin» l’épreuve de composition. Victor Duruy lui restitue son appellation de «composition latine» (arrêté du 28 novembre 1864) qui devient «composition en latin» dans le décret du 25 juillet 1874.
Le baccalauréat est «scindé» en deux parties par les décrets du 9 avril 1874 et du 25 juillet 1874, et par le règlement du 25 juillet 1874 qui entre en application dès le 1er août de la même année. La version latine et la composition latine sont assignées à la première partie de l’examen que l’on passe désormais après la classe de rhétorique. La session de juillet-août 1874 était déjà ouverte au moment de la publication de l’arrêté ministériel et, du 15 juillet au 31 juillet, seuls passent les épreuves les candidats sortant de la classe de philosophie, conformément au règlement de l'ancien baccalauréat. Mais comme le baccalauréat «scindé» entre en exercice le 1er août, les élèves de la classe de rhétorique se joignent ce jour-là à leurs camarades de philosophie candidats au «baccalauréat complet» pour passer les épreuves de composition latine et de version latine. A partir du 13 août (et jusqu’au 20 août), il n’y a plus en lice à Paris que les candidats de la première partie du baccalauréat scindé. Pendant plusieurs sessions, jusqu’en mars-avril 1876, les deux groupes de candidats passeront l’épreuve de composition latine. A partir de juillet-août 1876, il ne reste plus que le baccalauréat «scindé». Les candidats issus de la classe de philosophie sont désormais titulaires de la première partie et n’ont plus à passer les épreuves de version latine et de composition latine. Sauf dérogations, il n’y a donc plus en principe, à partir de 1876, de candidats pour le «baccalauréat complet» ; mais, en réalité, on trouve encore jusqu'en novembre 1878 des candidats, et parfois des séries, pour l’ancienne formule. Comme les candidats qui sortent de la classe de rhétorique sont présumés inférieurs en latin à leurs camarades de philosophie, il arrive, pendant plusieurs sessions entre 1874 et 1876, que les jurys offrent aux deux séries de candidats des sujets de compositions distincts : il y aura donc les sujets du baccalauréat scindé et ceux du baccalauréat complet.
Jules Ferry supprime la composition latine qu’il remplace par une composition française «sur un sujet de littérature ou d'histoire» (décret du 19 juin 1880). Le nouveau règlement supprime également la session de mars-avril. C’est donc à partir de juillet 1881 que la composition latine cède définitivement la place à une composition française. La dernière composition latine rédigée pour le baccalauréat à Paris a lieu le 9 décembre 1880.
Depuis l’ordonnance du 1er janvier 1847, ce sont les facultés des lettres (c’est-à-dire quatre ou cinq professeurs tout au plus dans les facultés de province) et elles seules qui sont en charge du baccalauréat ès lettres. Les jurys comportent, outre les professeurs de la faculté des lettres, un professeur de la faculté des sciences chargé à l’oral d’interroger les candidats sur les questions de mathématiques ou de physique. En 1853, au moment où débute l’épreuve de composition latine, il y a en France, en plus de la Sorbonne, douze facultés des lettres, dans les villes d’Aix, Besançon, Bordeaux, Caen, Dijon, Grenoble, Lyon, Montpellier, Poitiers, Rennes, Strasbourg et Toulouse. Le décret du 22 août 1854 rétablit les facultés des lettres de Clermont, Douai et Nancy ; mais, cette année-là encore, ce sont les facultés de Lyon, Paris et Strasbourg qui font passer le baccalauréat dans ces trois villes. Donc seize facultés au total, qui sont réduites à quinze après l’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1871. Le quadrillage du territoire par le réseau des facultés étant nettement insuffisant, les proviseurs des lycées de la province, qui souhaitent éviter à leurs élèves le déplacement vers la faculté lointaine, obtiennent du ministère qu’il ouvre des sessions d’examen dans un certain nombre d’autres villes où les facultés des lettres seront tenues d’envoyer leur jury au mois de juillet ou au mois d’août. La liste de ces centres d’examen est fixée annuellement par arrêté. En 1856, par exemple, les professeurs de la faculté d’Aix se rendent à Ajaccio et à Alger, la faculté de Bordeaux assure le service du baccalauréat à Pau, etc. Au total, il y a chaque année, pendant la période considérée, une trentaine de centres de baccalauréat pour une cinquantaine de lycées répartis sur l’ensemble du territoire national.
Les sujets de version et de composition latine donnés au baccalauréat ès lettres sont choisis par le doyen de la faculté des lettres, mais tous les professeurs de la faculté membres du jury participent au jugement des épreuves. Les candidats sont répartis en «séries» de vingt-cinq (règlement du 5 septembre 1852), puis de vingt (règlements du 28 novembre 1864 et du 9 avril 1874) au maximum. Ils passent la version latine (deux heures) le matin et le discours latin l’après-midi (quatre heures) ; puis l’ordre sera inversé pour faciliter la correction du discours latin, beaucoup plus longue que celle de la version. En 1865, une nouvelle épreuve écrite, la «composition française» (de philosophie) vient s’ajouter aux deux autres. Elle a lieu le lendemain matin, «de 7 heures du matin à 10 heures». Pour toutes les épreuves écrites, les copies sont immédiatement corrigées par un membre du jury, la décision d’admissibilité étant prise par l’ensemble du jury. Les admissibles passent l’oral aussitôt après l’écrit, c’est-à-dire le lendemain pendant les douze ans où l’examen ne comporte que deux épreuves écrites. A partir de 1865, l’oral a lieu l’après-midi du deuxième jour, après la dissertation philosophique du matin. Après 1874, il n’y a plus que deux épreuves pour la première partie, et les candidats passent l’oral le lendemain matin. Les séries se succèdent donc en principe tous les deux jours, jusqu’à épuisement du nombre des inscrits. Comme la version latine, le sujet de la composition latine est dicté au début de la séance. La faculté doit donc en principe préparer autant de sujets de version et de composition qu’il y a de séries ; mais dans certains cas, qui semblent exceptionnels, deux séries peuvent composer simultanément, donc sur un seul sujet.
Les sujets de composition latine qu’on trouvera ci-dessous ont été recueillis dans des publications de l’époque, périodiques locaux, recueils de sujets à l’intention des candidats, revues pédagogiques destinées aux membres de l’enseignement secondaire, ou feuilles volantes qui informent quotidiennement les candidats sur les épreuves et les oraux qui viennent de se dérouler. Quelques dizaines ont été retrouvés dans des cartons des Archives nationales. Il est difficile de savoir si ces sujets ont été proposés aux candidats dans la forme sous laquelle ils nous sont parvenus. Il est cependant probable que les recueils ou les périodiques qui les ont reproduits se sont parfois contentés d’un résumé ou d’un titre et que les candidats avaient en réalité droit à une «matière» relativement longue, comme le signale plusieurs fois le doyen de la faculté de Bordeaux dans ses rapports au recteur. Il arrive même que les résumés publiés par la revue posent quelques problèmes d’interprétation. Certains sujets nous sont parvenus en français, mais on peut raisonnablement penser, sans en faire une règle générale, qu’ils avaient pu être proposés aux candidats dans la langue où ils devaient rédiger leur composition.
Les sujets sont présentés ici, de 1853 à 1880, dans l’ordre chronologique des sessions et, pour chaque session, dans l’ordre alphabétique des facultés des lettres ; on a, chaque fois que possible, indiqué également la date exacte où a été donné le sujet. Le nombre des sujets qui ont été retrouvés s’élève à 1870, soit une moyenne de 67 sujets par année ; mais aucun sujet n’a été retrouvé pour l’année 1879. Sur les seize facultés, ce sont Paris et Toulouse qui nous ont laissé le plus grand nombre de sujets, avec respectivement 1021 et 458 sujets. Aucun sujet n’a été retrouvé pour la faculté de Strasbourg, un tout petit nombre seulement pour Aix, Montpellier, Nancy et Poitiers. Enfin, à trois reprises, en 1863, 1864 et 1865, le ministre Victor Duruy envoie à toutes les facultés pour la session de novembre un sujet de composition national, qu’elles dictent le même jour à la série de candidats qui a été convoquée pour ce jour-là.
Est-il possible d’évaluer le nombre réel des sujets de composition latine qui ont pu être proposés au baccalauréat ès lettres pendant ces 28 ans ? Pour cette recherche, il faudrait d’abord établir le nombre des lauréats qui ont passé l’épreuve de composition latine entre 1853 et 1880. On sait(2) que, entre ces deux dates, 91.468 titres de bacheliers ès lettres ont été décernés. Mais les lauréats du baccalauréat de 1881 avaient également subi l’épreuve de composition latine puisqu’ils avaient obtenu la première partie de l’examen en 1880 au plus tard ; soit 4.232 lauréats de plus, ce qui donne un total de 95.700 lauréats. Il faudrait ajouter également ceux qui obtiennent la seconde partie de l’examen après 1881, alors qu’ils avaient passé la première partie en 1880 ou l’une des années précédentes ; mais les chiffres ne sont pas disponibles. A l’inverse, la moitié des candidats reçus entre janvier 1853 et août 1857 avaient subi une épreuve de composition française (soit environ 4700) ; et de fait les sujets de composition française et de composition latine qui ont été recueillis pour la période sont en nombre à peu près égal (respectivement 287 et 294). Ce qui ramènerait à 91.000 environ le nombre total des bacheliers reçus après avoir passé une composition latine. L’effectif des candidats pour la même période n’étant pas donné par la statistique, il faudrait pouvoir l’évaluer à partir du pourcentage d’échecs à chaque session. Plusieurs données statistiques hétérogènes qui figurent dans les cartons des Archives nationales ou dans des documents d’époque ne permettent qu’une évaluation très approximative : il semble qu’on puisse tabler sur une proportion maximale de reçus par session qui se situerait entre 40 % et 50 %. Dans de telles conditions, les 91.000 lauréats dénombrés correspondent à un chiffre de candidats (examinés à chaque session) de l’ordre de 200.000. Les facultés des lettres auraient donc proposé autour de 10.000 sujets de composition latine, si l’on fixe à 20 en moyenne le nombre des candidats par série.
Un bon nombre des sujets présentés ci-après reviennent à plusieurs reprises dans ce répertoire, en général sous la même forme, qu’ils aient été proposés par la même faculté, ou dans des centres d’examen différents. Rien d’étonnant à cela. Les publications où ces textes ont été retrouvés servaient également à l’époque à l’information des professeurs de faculté chargés de l’élaboration des sujets. L’élaboration de ces sujets était d’ailleurs une tâche suffisamment lourde pour que les doyens n’hésitent pas à reprendre deux ou trois ans plus tard des libellés qui leur avaient donné satisfaction à la lecture des copies des candidats. C’est en particulier le cas à la Sorbonne où des dizaines de sujets doivent être composés tous les ans, et où un inspecteur d’académie chargé du contrôle de l’examen regrette, en décembre 1860, la répétition des mêmes sujets de composition d’une session sur l’autre.
Ils sont présentés ici dans la forme sous laquelle ils ont été trouvés dans les sources, mais des corrections ont été introduites chaque fois que nécessaire. L’orthographe du latin au XIXe siècle est sensiblement différente de celle à laquelle les études secondaires nous ont habitués depuis le XXe siècle. Il n’a pas paru indispensable de modifier sur ce plan les usages, d’ailleurs fluctuants, qui régnaient alors dans l’Université et dans l’édition scolaire. On trouvera donc, à côté des formes plus modernes, les graphies nunciat, maenia, quum, lethi, etc. L’accentuation des voyelles latines, fréquente sans être jamais systématique, a été respectée : praecipuè, deindè, à culpâ, iterùm, diù, potiùs quàm, verò, quòd, maturâsset, dixêre, suî, etc. Certaines modernisations de pure forme ont paru cependant utiles, comme de porter en italique les titres d’ouvrages, ou de fables.
Enfin, quelques dizaines de sujets n’apparaissent ici que par leur titre alors que la source (il s’agit de l’ouvrage d’Auguste Marais de 1866) donne une matière sensiblement plus longue. Ils ont en effet été relevés à une époque où la présente publication en ligne n’avait pas encore été envisagée. Quand il s’est agi de les reproduire sous leur forme intégrale, l’exemplaire de l’ouvrage présent à la Bibliothèque nationale de France était devenu indisponible pour cause de restauration ou de microfichage. On renvoie donc à une date ultérieure la reproduction complète de ces textes.
Il n’a été retrouvé aux Archives nationales (F/17/1656) qu’un seul paquet de onze compositions latines de baccalauréat. Elles traitent un sujet donné à Clermont par le doyen Olleris en novembre 1863. On trouvera à la suite de ce répertoire de sujets la photographie de la copie du candidat A. Teyssier.
André Chervel
Service d’histoire de l’éducation
(1) On trouvera les sujets de composition française donnés de 1853 à 1857 dans le recueil La Composition française au XIXe siècle, dans les principaux concours et examens, de l’agrégation au baccalauréat (Paris, Vuibert, INRP, 1999, pp. 293-303).
(2) Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur ; tome XII, Baccalauréat ès lettres et baccalauréat ès sciences. Statistique. 1877-1882, Paris, Imprimerie nationale, 1884 ; tome XXI. État numérique des grades. 1795-1885, Paris, Imprimerie nationale, 1886.
Sujet donné à Clermont par le doyen Olleris en novembre 1863, trois photographies de la copie du candidat A. Teyssier, Archives nationales (F/17/1656).
Pour citer cette ressource : André Chervel, «Les sujets de composition latine du baccalauréat ès lettres (1853-1880)», janvier 2008 [en ligne] http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=complat (consulté le 11 Septembre 2024)
Auteur : André Chervel
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